Dans sa séance d’Avril 2013, l’Académie Nationale de Chirurgie est sortie de sa réserve pour rétablir certaines vérités sur le métier de chirurgien qui fait souvent l’objet de présentations caricaturales et erronées dans les médias.
Formation, Vie professionnelle, Retraite : tous ces sujets ont été abordés par un groupe de travail qui permet ainsi, aux yeux du public, de rétablir une vision objective de notre profession.
La Formation
Les études de médecine sont longues et contraignantes ; 14 à 15 années post bac sont nécessaires pour former un chirurgien capable d’exercer en totale autonomie et pleine responsabilité. Cette formation, passionnante, multidisciplinaire, par compagnonnage au sein d’équipes hospitalières est très sélective. Elle est par ailleurs pas ou peu rémunérée. Au cours de l’internat, le jeune chirurgien est confronté à une charge de travail importante comportant travail clinique, gardes, acquisition des connaissances, travail administratif et publications scientifiques. Les jeunes internes ont de plus en plus de difficultés à trouver leur place dans des services hyper spécialisés où les nouvelles technologies ont fait leur apparition (notamment la robotique).
La Vie professionnelle
L’exercice du métier de chirurgien reste passionnant et attirant, même s’il n’a plus l’aura du passé. Il est contraignant (12 à 14 heures de travail par jour) et nécessite résistance physique, nerveuse et psychique pour faire face à de nombreuses situations « stressantes ». Le chirurgien doit orienter le patient vers un traitement, faire face à des mutations techniques rapides et constantes, maîtriser les indications et alternatives thérapeutiques avec une prise en charge multidisciplinaire des patients. Cette discipline évolue beaucoup dans ses modalités de fonctionnement (techniques nouvelles au bloc opératoire : imagerie, endoscopie, robot, chirurgie ambulatoire, traitements combinés, …) et dans son recrutement (féminisation croissante : 40% d’internes affectés en chirurgie en 2010).
Les contraintes sont nombreuses :
- Disponibilité constante : 100 heures de travail hebdomadaire, gardes de nuit et de Week-end, appels téléphoniques de nuit, gestion des complications post-opératoires.
- Responsabilité souvent mise en cause (judiciarisation de la profession) : en 2011, un chirurgien libéral sur deux a été mis en cause (source MACSF). Il en a découlé une augmentation vertigineuse des primes d’assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP) : + 115% en 10 ans.
- Dépendance plus grande des plateaux techniques, des créneaux de travail, de la disponibilité des anesthésistes.
- Formation continue indispensable, obligatoire et chronophage.
La vérité sur les gains
Les relevés de l’OCDE confirment que les revenus des chirurgiens français sont au bas de l’échelle européenne. En 40 ans, les tarifs opposables (de l’Assurance-maladie) n’ont été revalorisés que de 8,5%. La nomenclature chirurgicale est sous tarifée et obsolète depuis longtemps ! Par ailleurs, les charges d’un chirurgien libéral, véritable chef d’entreprise, ont explosée dans les dernières années. C’est pourquoi le secteur II (à honoraires libres) est considéré comme « indispensable » pour faire face à cette évolution et assurer les évolutions techniques (cœlioscopie, robotique). Ce n’est donc pas un hasard si 79% des chirurgiens exercent en honoraires libres en 2011 et même 85% chez les nouveaux installés.
Les excès concernant les « Dépassements d’Honoraires », largement stigmatisés par les médias et jetant l’opprobre sur toute une profession, ne représentent que 1 à 2% des dépassements soit 280 médecins et chirurgiens en France.
Selon la CARMF (Caisse de Retraite des Médecins), le revenu moyen imposable serait de 93 000 € annuels en secteur I et de 145 000 € annuels en secteur II en 2012.
La Retraite
L’âge moyen du décès des chirurgiens est de 72 ans.
La carrière étant assez courte (de 33 à 65 ans avec une installation en libéral vers 38 ans), la période de cotisation est ainsi raccourcie avec un début de cotisation tardif. C’est pourquoi la retraite moyenne mensuelle des chirurgiens varie de 2500 à 3200 €. Par ailleurs, il existe de nombreuses incertitudes sur l’évolution du régime de retraite par répartition de notre caisse du fait de l’inversion de la pyramide des âges et de l’allongement de l’espérance de vie. Actuellement le taux de remplacement est de 33 à 45%. Les chirurgiens retraités ne sont donc pas des nantis …
Conclusion
Au total, le métier de chirurgien demeure très attractif malgré les inconvénients précédemment rapportés. Ils ne doivent pas décourager les vocations. Il reste un métier passionnant, fait de rapports humains très enrichissants et source de grandes satisfactions.
Dr Denis Bretheau